vendredi 28 mars 2008

Histoire Fumeuse

Je ne sais pas pourquoi j'ai eu cette idée, d'examiner tout ce qui est parti en fumée depuis la découverte du tabac en 1492 par Christophe Colomb à Cuba, cette île qui a toujours exploité ses plantations pour devenir le royaume incontesté du cigare. C'est ça, le but du régime communiste : intoxiquer le monde capitaliste avec ses Cohibas et autres Montecristos. Les riches fumeurs ne s'en plaignent pas et ne parlent pas de boycotter le Havane...
Mais revenons sur les étapes importantes de l'invasion de ces plantes aromatiques.
En 1556, André Thévet sème les graines de cette herbe que les indiens du Brésil nomment "pétun" (rien à voir avec le maréchal qui devait fumer du "caporal"). Oui, nos ancêtres ne fumaient pas, ils pétunaient, aucun rapport, je pense avec les pétunias, mais je n'en suis pas sûre, alors, si vous voulez essayer le pétard de pétunia, informez-moi des résultats...
En 1559 Jean Nicot ambassadeur de François II à Lisbonne, soigne son cuisinier avec un emplâtre de cette herbe. On afflue à Lisbonne pour s'en procurer. Nicot envoie des graines en France et du tabac en poudre à Catherine de Médicis pour soulager ses migraines. Toute la cour suit des traitements à base de tabac prescrits par Nicot. Je vous laisse méditer sur le fait que le tabac a commencé par être un médicament (toute la cour s'est fait "nicoter") avant de devenir un poison.
Vers 1600. Le mot tabac apparaît qui ne l'emportera sur le mot pétun (qui peut-être aboutira au "pétard") qu'au milieu du XVIIIe. En 1610 en Turquie : Mourad IV décrète que tout fumeur aurait le nez percé par un tuyau de pipe, puis serait promené sur un âne (charmant monarque !). Au Japon : les fumeurs sont condamnés à l'esclavage (on dit bien que la cigarette rend esclave !). Voilà de quoi vous donner envie d'allumer une cigarette dans un lieu public, parce que 48€, à côté de tout ça, c'est vraiment de la clémence !
A la fin du XVIIe s Colbert institue le monopole du tabac : privilège de fabrication et de vente. En 1682 Louis XIV prescrit qu'on ne prise qu'une fois pendant l'office et que le curé fournisse le tabac ainsi prisé (Ha ! Ha ! Ha ! Vin et tabac à la messe ! Ils ne s'ennuyaient pas dans ce temps-là!).
En 1844 le Français Le Maire invente la première machine à rouler les cigarettes (et les fumeurs crédules) : le cigarettotype.
En 1860 la Direction générale des manufactures de l'État est mise en place au ministère des Finances.
En 1864, noblesse oblige, les cigarettes " façon russe " font un tabac. Les belles cigarières (comme Carmen Seita) vont bientôt être remplacées par des machines à gros rendement. Le dernier empereur (Napoléon III) fume clope sur clope.
En 1910 les Hongroises deviennent Gauloises (étonnant, non ?) puis, c'est l'apparition des Gitanes-Vizir.
En 1913, Old Joe, dromadaire du cirque Barnum & Bailey, pose pour une photo qui servira de modèle au paquet de Camel.
En 1924 Philip Morris lance les Marlboro, petites cigarettes blondes dont l'extrémité est rouge, pour les femmes (spéciales rouge à lèvres) . Entre les deux guerres, les admirateurs de Garbo et Dietrich se consument pour ces femmes fatales au long fume-cigarette en écaille. Les dames, elles, s'enflamment pour Bogart et Bogarde...
En 1926, l'état crée la caisse autonome d'amortissement de la dette publique (déjà, on cherchait des trucs pour ça) à laquelle sont versées les recettes du monopole des tabacs (SEIT : Service d'Exploitation Industrielle des Tabacs). Il faut dire que l'état était en perpétuel déficit...
En 1935, le SEIT devient SEITA, lorsque la gestion du monopole des allumettes lui est confiée. Histoire de mieux faire tourner la boutique, on fait de la publicité partout : sur les affiches, au cinéma, dans les stades à la mi-temps... Et j'en oublie sûrement. De fait, la cigarette donne l'image de la femme émancipée, de l'homme d'affaire séduisant, ou du cow-boy des grands espaces. On l'offre facilement (plus maintenant).
La seconde guerre mondiale développe encore la notoriété de la cigarette et après, la société de consommation fait le reste : on développe encore la réclame, on fournit les militaires en munitions et cartouches, bref, tout le monde fume.
C'est dans les années 50 qu'on commence à observer la nocivité du tabac. Chose étrange, c'est au moment où la sécurité sociale s'étend pour protéger la population laborieuse qu'on commence à faire marche arrière au niveau de la publicité. Après avoir voulu gagner de l'argent pour réduire les déficits, on s'aperçoit que les dépenses de santé ne sont pas compensées par les recettes du tabac. La guerre du feu commence avec Simone Veil, se poursuit avec Claude Evin, le prix prohibitif d'un paquet de Marlboro prive les jeunes d'un plaisir qu'on recommandait à leurs grands-parents. On en appelle à la responsabilité du consommateur alors que certains ont gagné des procès contre les fabricants. Le plus étonnant, dans tout ça, c'est que la population suit les fluctuations, les modes, qu'on peut lui faire faire une chose un jour et son contraire le lendemain. Alors, je vous le dit, les allumés ne sont pas près de s'éteindre !


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