jeudi 1 mars 2007

Glace à la rose, mode d'emploi






Cette semaine, je vous enseigne la meilleure façon de déguster une glace à la rose, et je vous assure que c’est un délice bien supérieur au roman du même arôme.

Avant d'arriver à ce moment suprême, il faut avoir décidé de passer la journée à Nice. Comme vous avez pris le train, vous avez bénéficié du paysage du bord de mer, face à une mamie ravie d’accompagner sa petite fille au carnaval. Vous avez vu dans les yeux de l’une et de l’autre la fête qui se prépare.

Vous arrivez au centre ville, évitant, ou presque les embouteillages dus aux travaux du tramway. Je dis presque parce que même à pied il y a quelques bouchons sur les trottoirs, mais vous êtes héroïque et vous traversez la cohue sans vous en préoccuper pour arriver chez Annie qui vous attend avec impatience. Il ne fait pas très beau mais tant pis, ce sera quand même une belle journée.

Annie vous emmène toujours déjeuner dans un endroit inattendu : pas le resto branché et tendance de la saison ! Non ! Un petit établissement où la cuisine est soignée, où on vous dorlote, on vous explique, on vous conseille.

C'est un resto où vous ne rentreriez sûrement pas, et vous auriez tort. On dirait un vieux bistrot des années 60, avec des plafonds hauts, une salle sombre et un bar où sont installés quelques messieurs qui discutent devant le pastis. La salle non- fumeurs est plus claire et sert de galerie d’exposition au peintre dont l’atelier est à deux pas.
Il y a quelques habitués qui en sont déjà au dessert et qui vous regardent d’un air bienveillant, comme pour vous féliciter d’avoir choisi la bonne adresse.

La patronne est blonde, jolie, aimable et vous annonce simplement qu’aujourd'hui, on sert du " capoun ". C'est du chou (du jardin) farci avec des
Viandes maigres et des légumes (du jardin). La sauce est à base des tomates (du jardin) qu'on a mises en conserve l’été dernier. Bref, une production locale et artisanale.
Vous dégustez avec un plaisir inavoué tous les délices qu’on vous apporte et, la dernière bouchée avalée, il vous faut en parler pour, en mâchant vos mots, prolonger les mets.

Et voilà que la dernière miette de la tarte aux pommes chaude et croustillante engloutie, vous devez décider d’une destination pour l’après-midi : choisissez le vieux Nice, histoire de pratiquer la marche digestive pour brûler toutes ces délicieuses calories emmagasinées.

Il vous faut alors, en discutant d' une foule de choses, slalomer parmi une foule de gens, respirer un peu la poussière que font les chantiers du tramway, entendre le bruit strident des meuleuses sur le béton et sentir l' odeur forte et agressive de la ville en effervescence.

Vous retrouvez un peu de calme en traversant le marché aux fleurs. Enfin une fraîcheur parfumée et colorée qui vous attire. Vous avez envie de toucher les œillets, les pétales veloutés des orchidées et vous repartirez sûrement avec un bouquet, on n' y résiste pas.

Vous entrez ensuite dans les rues étroites et sombres ou chaque boutique, chaque échoppe vous offrira ses couleurs et ses parfums: le cuir, les savons, la lavande, les crêpes... Et puis, en passant devant une vitrine, vous découvrirez des pâtes de fruits. A l’intérieur, une multitude de paniers remplis de sablés dorés, biscuits longs, ronds, carrés, aux amandes, au beurre, au chocolat, saupoudrés de noix de coco râpée, de sucre cristallisé, de pralin doré…

C’est votre nez qui vous guide et vous oblige à avancer vers le fond. Une odeur chaude et sucrée, cette senteur qui se répandait dans la maison quand Mémé sortait un gâteau du four.

Enfin, vous êtes au cœur du guet-apens : devant vous, des saladiers ronds affichent la couleur et la saveur: miel-lavande, framboise, vanille caramel, violette, pistache, rose.... La teinte est très pâle, on dirait une crème de beauté, mais il y a cet arôme subtil, oriental et sucré et l’eau qui vous monte à la bouche… C’est à cet instant précis qu’une voix enjôleuse vous demande : « Je vous sers des glaces? » Le « oui » sort de votre bouche malgré vous. La tentation est trop forte... Et bien sûr vous choisissez " rose ".

La demoiselle prend un cornet de biscuit doré, trempe juste le bord dans du chocolat fondu et plonge la cuiller dans cette roseur onctueuse et nacrée qui vous fascine. Elle remplit délicatement le cornet pétale après pétale... Oui, c'est ça, elle vous fait une fleur et vous tend l’objet du délice en y plantant une petite cuillère blanche.
La décence vous oblige à pécher d’abord avec l’ustensile de plastique. Mais après avoir circonscrit les débordements, vous y plongerez la langue, voire le nez pour sentir cette douceur glacée sur votre palais puis dans votre gorge. Vous croquerez dans le cornet craquant et délicieusement chocolaté… Un moment de pur bonheur !




Et puis, il y aura la marche du retour pour éliminer.
En retournant à la gare, vous pensez que fin 2007, vous pourrez atteindre ce paradis en tramway. Le dommage de la chose, c’est que vous serez au but beaucoup plus vite. Sans tout ce chemin, la glace à la rose sera-t-elle aussi délictueuse ?


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