jeudi 7 décembre 2006

Panne Internet







Juste une petite histoire qui prouve bien que la technologie peut faire perdre toute sa dignité à un individu que rien ne prédisposait à un tel comportement...
Tout d'abord, je vous décris succinctement, si c'est possible, notre installation. Au premier étage, l'ordinateur d'Aurélie, dans le bureau. Au rez de chaussée, celui de Jacques. Entre les deux, sur une étagère au-dessus de la porte d'entrée : la Livebox : je vous rassure, vous ne la recevrez pas sur la tête en entrant chez nous, l'étagère est bien fixée (du moins j'espère).




Comme tout bricoleur qui se respecte un peu, Jacques a bien camouflé les fils qui relient la boîte magique au courant électrique. Ils passent donc dans un trou du mur et ressortent derrière un des caissons de tiroirs qui servent de tréteaux à la planche sur laquelle est posé le PC d'Aurélie, donc, au premier étage (c'est confus et emmêlé, comme les fils). Il faut être en panne de connexion pour comprendre la façon dont il faut installer le matériel. C'est arrivé, je ne vous raconte pas... Ou plutôt, si, je vous raconte.



Un samedi soir, je rentrais du travail, fin de semaine, fin du rouleau, faim d'autre chose que le boulot. Mon fier chevalier me dit, sur un ton anodin :



- Tiens, on ne peut plus se connecter...
- Ah bon ?
- Oui, et les voisins non plus.
- On verra ça demain...



C'est vrai, quoi, on ne va pas passer la soirée du samedi à essayer de comprendre un truc qui nous dépasse et qui, peut-être ne vient pas de notre installation. On risque de tout dérégler, et après, ça ne marcherait plus du tout. Je ne vous donne pas le menu de notre repas, d'abord parce que je suppose que ça ne vous intéresse pas, aussi parce que je l'ai oublié et en plus j'ai dit : juste une petite histoire.



A la télé, comme tous les samedis : rien, ou presque, à croire que les téléspectateurs, épuisés par la semaine de programmes sportifs ne sont capables de regarder que des téléfilms sans fond ni forme, des séries creuses, bref, un lecteur DVD est maintenant indispensable si on ne peut pas laisser le chien tout seul et sortir. Mais, je m'égare encore.



Le dimanche matin, pas de réveil, on peut enfin traîner un peu, déjeuner copieusement en se disant qu'à midi, personne n'aura faim, donc, pas de cuisine... Traîner encore sur un bon bouquin, jusqu'à ce que l'homme, dans lequel un justicier sommeille toujours, tente de voir si le règlement de son abonnement wanadoo est justifié (justement !). Déjà 12 heures de panne ! La tuile ! Un dimanche sans internet ! En plus il faisait franchement moche ! Que faire ?



J'ai bêtement suggéré d'appeler l'assistance... Erreur fatale au déroulement tranquille d'une journée paisible où j'aurais pu paresser et progresser d'un chapitre à l'autre...



D'abord, il faut chercher le contrat, trouver le numéro d'appel 24h/24, le composer pour entendre qu'il a changé mais, comme les choses sont bien faites, on vous donne le nouveau.
Nouvel appel, musique d'ascenseur, voix d'hôtesse de l'air :
"si votre appel concerne votre ligne fixe ou votre accès internet, tapez 1".
C'est fait.
"Si votre appel concerne la ligne à partir de laquelle vous appelez, tapez 1".
Oui.
"Si votre connexion internet a déjà fonctionné, tapez 1".
D'accord.
Petite musique.
"Tous nos conseillers sont en ligne, veuillez renouveler votre appel ultérieurement."
Je crois que c'est à ce moment-là que mon fauve a commencé à grogner. Là, j'ai fait exactement ce qu'il ne faut pas faire : j'ai repris le flambeau... Ou plutôt le téléphone.



Re-musique d'ascenseur... "Si... Etc tapez 1"... "si....etc".... Si ça ne vous ennuie pas, je vais écourter... Je me demande déjà si je ne vais pas être obligée de vous le faire en feuilleton.
Enfin, une voix humaine ! "Bonjour, Madame Servière, puis-je avoir votre numéro de compte ?"
Il me semble, à la voix et à l'accent, que mon appel est tombé aux environs de New Dehli, mais je ne vais pas atermoyer, je cherche le numéro de compte, et je le trouve en haut et à gauche de mon contrat, comme me le dit si gentiment la demoiselle que j'ai vraiment du mal à comprendre.
Ensuite, elle me fait ouvrir des fenêtres, chercher le protocole TCPIP, ouvrir le panneau de configuration, taper un code dans "exécuter"... Et plein de choses que je n'ai pas très bien mémorisées. Ce dont je me rappelle, c'est qu'à chaque fois, elle dit : "Bon, d'accord, fermez cette fenêtre, s'il vous plaît, Madame Servière".



Après quelques manipulations, ça ne marche toujours pas... C'est à ce moment là que le sport commence, parce qu'il faut aller bidouiller la "Livebox" (au-dessus de la porte d'entrée), donc, sortir l'escabeau... Heureusement qu'on est deux : moi avec le téléphone et l'ordinateur, et Jacques avec la Livebox et l'escabeau. Comme vous voyez, on ne s'ennuie pas le dimanche matin. La demoiselle me posait des questions que je transmettais au chef opérateur toujours perché, il me donnait les réponses que je répétais scrupuleusement à l'assistante...



Au bout d'une demi-heure, nous en étions toujours au même point, mais mon interlocutrice me dit très aimablement : "La communication va être coupée, mais je vous rappelle le plus vite possible."



Une attente incrédule a commencé : l'un disant qu'elle ne rappellerait pas, l'autre (moi), essayant de temporiser : "on attend 10 minutes et on rappelle."



Et le téléphone a sonné au bout de 5 minutes ! "Allô ! Ah, bonjour Jean ! Si ça ne t'ennuie pas, on attend un coup de fil de l'assistance Wanadoo... ". Il a tout de suite compris, il a rappelé Jacques sur son portable. Moi, j'ai attendu encore un peu pendant qu'ils parlaient "bateau", et j'ai rappelé. Lui, il avait plein de trucs à faire, d'un coup et il est parti. Je suis donc restée seule, en pyjama, avec le téléphone, les deux ordinateurs, la Livebox et l'escabeau.



Re-re-musique d'ascenseur, toujours la même et d'ailleurs, si je pouvais faire une suggestion, je proposerais que la musique d'accueil et d'attente change toutes les demi-heures, pour le bien-être de la clientèle. "Si... Tapez 1..." je résiste au plaisir de vous faire partager ces phrases dites avec une douceur et une sensualité qui vous mettent les nerfs à vif quand vous les entendez pour la 4ème ou 5ème fois pour en arriver, de temps en temps à : "Tous nos conseillers sont en ligne..."

Enfin, une voix, légèrement différente avec le même accent bollywoodien. Elle, elle doit débuter, on sent de l'enthousiasme dans la façon de s'exprimer. On refait les mêmes manipulations : ouvrir les fenêtres, fermer pour éviter les courants d'air... Les mêmes "Bon, d'accord Madame Servière " qui donnent l'impression qu'on vous connaît depuis longtemps et surtout qui vous agace un peu plus à chaque fois... J'étais prête à perdre patience et je me suis autorisée à dire : "Oui, très bien, mais tout ça, votre collègue me l'a déjà fait faire, et ça n'a rien changé !"
"Bon, d'accord, Madame Servière, nous allons tenter une autre manipulation : vous allez débrancher la prise d'alimentation électrique de votre Livebox."
Là, j'ai eu une grande angoisse passagère et un léger mouvement de panique. Elle n'avait aucune conscience de ce qu'elle me demandais, et celà pour plusieurs raisons :

Premièrement, je ne sais pas me servir du Kit mains libre du téléphone.

Deuxièmement, je ne savais pas non plus où était branchée cette foutue prise. J'ai suivi le fil des yeux, il entrait dans un trou, et je me doutais qu'il ressortait quelque part au premier étage.

J'y suis donc montée, j'ai regardé sous le bureau : rien.



Je me suis, tout à fait incongruement retrouvée à quatre pattes, où plutôt, à trois pattes sous le bureau, puisque j'avais une main occupée par le combiné. En poussant le caisson de tiroirs pour regarder s'il y avait des prises derrière, j'ai trouvé qu'internet était un outil dangereux. Mais comme la situation était plutôt cocasse, le fou rire m'a pris, et c'est à ce moment précis que j'ai eu l'impression de m'appeler Françoise Pignon et d'avoir perdu toute dignité...

J'ai enfin vu les prises. Il y en avait beaucoup... Toujours en riant, j'ai tiré sur la première, et quand l'ordinateur s'est éteint, j'ai su ce que j'avais débranché... J'ai rebranché, j'ai rallumé l'engin qui a aussitôt affiché : "Windows n'a pas été éteint correctement... Etc."

Retour à trois pattes pour retenter ma chance. Je l'ai finalement repérée, je l'ai débranchée. Alors, sans se rendre compte de l'exploit que je venais d'accomplir, ma conseillère m'a dit très aimablement : "bien, maintenant, Madame Servière, rebranchez-la".



C'était surréaliste ! Mais elle a continué : "Bien, Madame Servière, maintenant, allez vérifier les voyants de votre Livebox." Je suis passée de Francis Veber aux Marx Brothers. Je me suis cogné la tête en me relevant mais je n'ai pas fait tomber le clavier qui était sur la planche (il y est toujours), j'ai descendu l'escalier le plus vite possible sans tomber, je suis montée sur l'escabeau sans lâcher le téléphone, et j'ai pu constater l'état des voyants, avec juste une légère inquiétude : pourvu que personne n'ouvre la porte brusquement. Ensuite, j'ai même appuyé sur le bon bouton, et du haut de mon perchoir, j'ai pu entendre les pas résonnants de notre notificateur de messagerie qui a annoncé de sa voix grave : "you've got mail, sir !".

J'ai pu difficilement maîtriser mon fou rire, mais j'ai annoncé à ma gentille conseillère que ça marchait. Elle m'a dit : "c'est grâce à mon intervention !". Elle était tellement contente ! Et moi donc !

En fait de petite histoire...

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