jeudi 30 novembre 2006

Les Anglais ont débarqué


Damoiselle Melisende était fort en beauté, pimplochée à ravir et vêtue de ses plus beaux affiquets. Assise sur une escabelle, elle consultait un livre d'heures richement enluminé. Elle se languissait en attendant Gauvin, un jeune chevalier qui avait gagné ses éperons au cours d'une grande bataille contre les goddons. Las ! Il était reparti guerroyer encore et encore ! Elle était sans nouvelles depuis des mois et se demandait parfois s'il n'avait pas été occis.Leurs épousailles devaient avoir lieu dès son retour.
Un messager portant la livrée de messire Gauvin se présenta devant le pont-levis. Un cuidançon triboula les entrailles de la belle et elle faillit tomber en pâmoison car aussitôt elle songea à une funeste nouvelle. Elle ouvrit fébrilement le parchemin scellé que lui tendait l'écuyer. Son visage alors s'illumina : son futur époux n'était plus qu'à quelques lieues, le roi était victorieux mais le chevalier devait rester quelques jours auprès d'icelui selon ses désirs. Necquedent, il lui mandait en son message de s'occuper des préparatifs de leurs noces.
Dès lors, elle sut qu'elle serait l'épouse d'un chevalier et que bien souventes fois, elle attendrait, la peur chevillée au corps, l'annonce du retour ou du trépas de son mari.

En 1066, Guillaume le Conquérant emporta la langue française sur la Grande Île (l'Angleterre). Nous avons donné notre langue (pas au chat) aux Goddons, ainsi nommés parce qu'en débarquant en Normandie, ils répétaient " my God !" à l'envi.
Quelques siècles plus tard, la guerre de 100 ans éclata et Jeanne d'Arc brûla... Le Français fut abandonné par les Anglais... Ils croyaient se venger en laissant tomber notre langue en désuétude mais ils ont fait bien pire. En quelques siècles, ils nous ont envahi plus sûrement avec leurs mots qu'avec leurs maux.

Il faut bien vivre avec son époque. Aujourd'hui, l'histoire de damoiselle Mélisende s'écrirait plutôt comme suit :

Mélissa était gaulée comme un top-model, elle avait un make-up super tendance, un jean et un T-shirt siglés. Installée dans son rocking-chair, elle lisait un Best-seller sur lequel elle avait flashé au drugstore. Elle stressait en attendant Kevin, un golden-boy de la jet-set qui avait boosté la start-up où il était manager, grâce à son sens du marketing et ses public-relations.
Dommage ! Il voyageait trop,le plus souvent à bord d'un jet privé avec son boss, le temps de vol permettant un briefing. Elle ne savait jamais quand il rentrerait et elle attendait d'entendre les pneus la Rover crisser sur le parking. A son prochain come-back, peut-être ce week-end, ils pourraient enfin se pacser.
Son note-book lui signala qu'elle avait un e-mail. Elle speeda pour l'ouvrir, s'attendant à une mise en stand-by du PACS. Pour se calmer, elle mâcha son chewing-gum et vissa les écouteurs de son walkman dans ses oreilles. Elle ouvrit face-book et retrouva son sourire hollywoodien. Le play-boy de son coeur était dans la zone duty-free de l'aéroport où son boss l'avait rejoint pour surveiller le lancement d'une nouvelle ligne de produits high-tech d'un design post-modern. Neanmoins, il la chargeait de s'occuper du listing des invités, des gadgets à offrir, de la réservation du club-house du golf, du lunch et même du DJ de leur night-club préféré.
Alors, elle sut qu'elle aurait intérêt à se trouver des hobbies comme le surf, les rollers ou le skate-board pour être cool en attendant son golden-boy. Heureusement, grâce à la carte American express et aux travelers checks, No problem !

On peut dire qu'ils se sont bien vengé, les Goddons ! Quelle invasion !

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