jeudi 2 septembre 2010

Réponse de Pénélope

18 septembre 2008



Mon cher Ulysse,


J’ai reçu le chanteur vagabond dont tu parles dans ta lettre, mais voilà bien des années qu’il a quitté l’île où tu l’as rencontré. Il se prélasse actuellement dans mon hamac en buvant un liquide ambré qui réchauffe l’âme et le corps. Il appelle ça du Rome et prétend que c’est un souvenir des zentilles. Je suppose que ce sont des prêtresses très aimables qu’il a rencontrées au cours de ses voyages. Il a une curieuse façon de parler quand il en a absorbé plusieurs coupes.
Il faut que je te dise, à ce propos, qu’il m’a fait goûter ce breuvage : d’abord, ça brûle la langue et la gorge, puis, on sent comme une chaleur envahir le corps et après plusieurs rations, on a du mal à tenir debout, on danse un peu la bourrée, comme dit Georges. C’est une danse ou un pas qui va de droite à gauche et qui fait tourner la tête. J’ai dû passer la nuit à défaire le tissage du voile que j’avais commencé après avoir partagé ce Rome avec Georges. D’ailleurs il commence à être très envahissant et je ne vais pas tarder à l’envoyer se faire voir chez les Grecs. Les voisins commencent à jaser.
Dis, quand reviendras-tu ?
Il y a des mauvaises langues qui prétendent que tu es mort et on parle déjà de me remarier. Je suis très courtisée par plusieurs prétendants : Bertrand, Laurent, Dominique et plein d’autres se sont présentés. Ils sont très désagréables et appellent notre fils Télémag. Tous les jours, ils lui demandent le programme de la soirée. Lui ne sait pas quoi répondre et les adresse à Pâris copte qui, paraît-il, est mieux renseigné.
Rassure-toi, Argos garde un œil sur eux. D’ailleurs, je ne sais pas ce qui lui a pris après ton départ, mais il s’est mis à émettre des sons articulés et je l’entends nettement, parfois la nuit, proférer des sentences étranges du style : « Dès que possible, faites demi-tour. ». J’aimerais que tu l’entendes, car pour tout te dire et faire le point, depuis ton départ, tout va de mal en pis (Io me l’a dit).
Notre fils s’est mis en tête de partir à ta recherche et il a contacté Nestor Happylos ainsi que Ménélas mais hélas, ils ne savaient rien. Pour finir, il a vu Protée qui lui a parlé d’une certaine Calypso… Est-ce que c’est un nouveau bateau ? Je trouve que ta croisière s’éternise un peu trop. Cette Edwige dont tu parles ne me plait pas du tout. Ne te crois pas obligé de la protéger envers et contre tous.
Dis, quand reviendras-tu ?
Dis, au moins le sais-tu ?
Ton père a complètement perdu la boule, il vit maintenant dans une cabane loin de la ville. Je suis allée lui rendre visite et lui ai trouvé l’air miteux.
Maintenant, tu es au courant des dernières nouvelles et j’espère que tu vas renvoyer cette Edwige dans ses foyers et que la Calypso te permettra de quitter cette île où tu te trouves.
Que te dire de plus ? Je t’attends patiemment, j’ai repris mon ouvrage et dès que Georges sera reparti je cesserai de défaire la nuit ce qui est fait de travers le jour. Quand ce voile sera terminé,
Si tu ne comprends pas qu’il te faut revenir,
Je ferai de nous deux mon plus beau souvenir.
A bientôt, j’espère
Pénélope

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